Léo B.

Les noms perdus

Paroles et musique : Stéphane Côté 2004

Rituel pour la fin d’automne, comme au temps des morts glorifiés

Cortège qui passe, les gens s’étonnent de voir le chagrin parader

De l’herbe et des souliers miroirs devant les pierres aux noms gravés

Une pluie froide, un long couloir qui nous promet l’éternité

Passez les voir, passez les voir, ceux qui ont disparu

Qui se baladent dans les mémoires et s’en retournent de n’être plus

Les noms perdus, les amours déçus d’absences

Le temps qui passe les a fait taire et leur silence est cru

Plus de rires, plus d’intimes guerres, un bout d’humanité s’est tu

Et les vaincus marchent en habit du dimanche

Bouquet de fleurs, on va sans rire, foulant les lots de vies brisées

Des fleurs, mais à qui les offrir ? Qu’en sauront les coeurs trépassés ?

Aux émois tempêtent les soupirs et les souvenirs ressassés

Sans doute leurs âmes vont ressurgir au désert de la nuit tombée

Passez les voir, passez les voir, ceux qui ont disparu

Qui se baladent dans les mémoires et s’en retournent de n’être plus

Les noms perdus, les amours déçus d’absences

Tous ces départs involontaires, ont-ils au moins un but ?

On s’en retourne à la poussière pour mieux remonter à Jésus

Est-il exclu, qu’ici-bas, tout recommence ?

Un frisson, porté par le vent, annonce les anciens vivants

Ceux, dont l’âme n’est pas poussière, qui évitent simplement la lumière

Ils sont des millions, des milliards, en cortège au soir de novembre

En fête à la funèbre foire, des fantômes qui nous ressemblent

Passez les voir, passez les voir, les gentils, les pendus

Les enfants qui s’endorment le soir sans savoir qu’ils n’existent plus

Les disparus, ceux qu’ont connus nos sens

Ils ont vidé les cimetières et planent dans les rues

S’agitent aux ombres des lampadaires pour montrer qu’ils sont revenus

Les noms perdus aux sincères désespérances.

A-t-on vécu ou est-ce après que tout commence?

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Marc

Notre Gospel, urbain-contemporain est un héritage de la tradition Gospel authentique. Ce genre musical inventé par un peuple qui exprimait son espérance et qui célébrait la parole de Dieu, a incorporé au fil des ans des textes profanes et adapté des mélodies de chansons populaires. Le concert ce soir illustre bien cette évolution. Nous souhaitons de tout cœur qu’il nous fasse réaliser que le Gospel est non seulement un genre musical dynamique et inspirant. Mais qu’il est aussi un état d’esprit où règnent l’attention aux autres, la souplesse et la joie.

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Grétchèn

Grétchèn

Comment dire, aux êtres que nous avons aimés, que nous n’avons pas oublié le temps où nous étions bien une fois qu’ils se sont éloignés. Grétchèn ne fait plus partie de la chorale depuis quelques semaines. Après un très bref avertissement, elle nous a quitté. Enfin, elle n’est plus revenu après nous avoir tout simplement dit qu’elle ne reviendrait plus parce qu’elle était vraiment trop occupée. Lundi dernier, je me suis rendu compte que certains d’entre nous se résignent enfin à son absence, d’autres non, pas encore. Ceux-ci spéculent encore sur les raisons de son départ. Grétchèn était notre voix. Soliste, elle occupait le devant de la scène lors des concerts ; mais avec une telle humilité et une humanité si sensible, que nous chantions mieux encore lorsque nous étions derrière elle et que nous lui permettions de briller – elle nous faisait briller. Je dis qu’elle était notre voix en ce sens qu’elle était la voix que chacun de nous eût souhaité entendre lorsqu’il chante.

Grétchèn nous avait apprivoisé il y a quelques années. Nous avions été envoutés par le chant de cet adolescente chancelante venue de l’étranger qui s’exprimait en murmurant. Osait à peine nous regarder lorsqu’elle parlait. Mais qui occupait tout naturellement le grand terrain de la scène lorsqu’elle chantait. Au milieu des quarante, elle resplendissait comme si les phares de poursuite avaient été maintenus dans sa direction. Nos billets de spectacles étaient vendus longtemps d’avance grâce à elle.

Elle est partie. La voix du choeur est plus ordinaire.

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Harvey

Nous vous apprendrons à faire la guerre, sans haine et sans cruauté. « Je chante, dit Harvey, pour me féliciter de ne pas être devenu un instrument, une machine, un robot. » 

Retour d’Afghanistan, le soldat continue d’explorer, dans notre monde, des zones inédites de l’humanité, la sienne, la nôtre. Il chante avec nous depuis quelques mois, lui qui n’avait jamais chanté. Nous préparons le concert de Noël. Il lui arrive fréquemment de sortir durant les répétitions. Pour prendre l’air. Puis il revient.

La semaine dernière, pendant que nous révisions La nuit, (choeur à quatre voix sur la mélodie de Jean Philippe Rameau), livide, muet depuis un moment, il me tire par la manche, me fait signe de le suivre. Dehors, sous un ciel saturé d’étoiles, il me dit « J’ai vu mourir des hommes. Des barbares les avaient empalés après leur avoir coupé la langue. J’aurais pu, de la patrouille de la veille, avoir été l’un d’eux. Penses-tu, un jour, que je connaîtrai à nouveau le calme enchantement de la nuit. »

À travers la porte du Pavillon nous entendions le choeur poursuivre, si doux est le concert, de tes voix chantant l’espérance…

« L’espérance… » a-t-il ajouté dans un murmure. Après un sourire résigné, que nous avons partagé comme un fruit, nous sommes rentrés mêler notre voix à celles des autres.

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Élise

Flûte alto

Flûte alto

Le désert. Avec quelques oasis, la nuit. Elle entre dans la nuit par des sentiers silencieux. S’habitue à sa propre absence. Elle réclamait le désert et la solitude autrefois. Il n’y a pas si longtemps quand les huit enfants et le mari étaient à la maison. Elle disait, ils sont à la maison et pensait quelque chose comme, ils sont encore en moi. Ce qui la prenait à la gorge et l’étouffait. Comme elle est venue tard ma solitude ; mon voyage au désert après tant de départs… Vieillir. Toutes ces mortes, tous ces morts avant soi… L’impression d’être une abeille maintenant, qui participe au bourdonnement de la ruche. Autrefois, elle se démarquait. Maintenant, tout ce qui se remarque la heurte. Elle entre dans l’a-nonymat. Dans l’in-nommée. Elle entend toutes les voix qui ne sont pas du chœur s’éteindre. Elle chante les yeux ouverts. Sait les partitions par cœur. Ne semble pas avoir peur du torrent, de l’appel du vent, du loup, de la vie, de la mort qui n’ont plus rien à voir avec le fait qu’elle-même soit vivante. Qu’elle l’ait été longtemps. Élise a trouvé, vers la limite de son temps, l’état que cherchent les méditants. Le moment suspendu entre l’inspire et l’expire.

Je suis très impressionné – et rassuré – qu’il y ait là de la musique.

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Amandine

Trompette

Trompette

Auparavant quand je dirigeais la chorale, certains soirs je n’entendais qu’elle. Contre mon gré. Sans doute bien malgré elle aussi. Impénétrable Amandine. De ces êtres qui occupent beaucoup d’espace – espace de la voix, de la responsabilité, du regard – et dont l’essentiel pourtant nous échappera toujours, même lorsque nous croirons les connaître.

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Bea

Quelque part en elle brûle un feu qui ne la consume pas. Apparemment. Parfois, sans même le vouloir, elle laisse une trace calcinée de son passage. Bea semble traverser la vie comme un purgatoire. En attendant d’être soulagée à la fin. Il arrive que les êtres à qui l’affection des autres ferait le plus de bien sont ceux qui se laissent le moins facilement approcher.

Il n’y a pas de « profil » de choriste. Tout le spectre, tout l’attirail, toute la gamme de l’humanité.

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Theo

Mon ami Theo a quelque chose d’un Don Quichotte. De la candeur, de la bravoure, le besoin de s’opposer au réel des dominants… Mais il incarne la part du personnage dont on ne ferait pas un roman. Je pense que Theo, en trouvant une Dulcinée qui l’a aimé, a trouvé en même temps un élément structurant, réalisant (qui lui impose le réel). Enseignant, père de famille, brave compagnon du trio avec lequel je chante aussi des chansons de Brassens les samedis matins, Theo est, parmi tous les hommes que j’ai connu, celui dont le projet familial est le mieux réussi. Trois enfants adolescents, une compagne qui l’aime encore et qu’il aime encore. Chacun d’eux, et tous ensemble surtout, ils laissent traîner derrière eux quelque chose de la poussière lumineuse des étoiles. Difficile de ne pas considérer l’entourage de Theo quand je parle de lui. Pourtant, quand nous chantons, les lundis, il est maintenant le premier ténor à ma droite, et les samedis, où il est bien présent et généreux, je ne le perçois pas comme chargé du fardeau de sa tribu. Il fait partie d’elle, il en est un élément indispensable c’est tout.

Peut-être que ces lignes parlent plus que de moi que de lui ? La famille – celle avec une compagne et des enfants, celle de ma propre enfance aussi, est un des douloureux échecs de ma vie. J’admirerais Theo s’il n’avait pas réussi à entrer dans le cercle d’aussi belle façon. Sa réussite me donne une raison supplémentaire de l’admirer.

Je m’interroge donc sur le fait que venant de cette perfection, sa voix, juste, ne sorte qu’en un mince filet et qu’en lui l’humus, le terreau, le ventre de la voix n’ait pas encore été atteint. Peut-être faut-il qu’il y ait de la douleur à l’origine du chant ?

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Orlando

Orlando di Lasso

Orlando di Lasso

L’étrangeté. La familiarité. Le singulier. L’irrésistible. La lumière et l’ombre. La folie. La sagesse. L’humanité. L’esprit. La musique. Le trait. Le cercle et l’intérieur. L’ouverture. La voie libre.

Je me souviens d’une période de ma vie, où je chantais avec un petit groupe. Le chœur possible. Nous ne chantions que des pièces de la fin du Baroque et de la Renaissance.

Nous avions inclus dans presque tous nos concerts des pièces de di Lasso. Lui avions même consacré un concert en entier. Cette période de la fin de la Renaissance est une période de chant choral. Du moins elle sonne ainsi à mon oreille (Palestrina, di Lasso).

J’aime Orlando. J’aime ce (que je sais de ce) bonhomme qui a eu bien du mal à vivre une vie ordonnée, simple, régulière. Je l’imagine, jeune, assez parent et semblable au personnage d’Amadeus – celui du film. Sa musique est claire, évidente, subtile. Sa vie semble avoir été compliquée et difficile. Un très beau livre reproduisant ses lettres (commentées et traduites par Frank Langlois), intitulé Con bien fou tu serais Orlando, éditions Bernard Coutaz, a trouvé sa place parmi les livres de ma bibliothèque dont je n’arrive pas à me débarrasser (ou à prêter ou à donner).

J’ai trouvé sur la toile ce site en construction.Projet en cours d’un admirateur un peu fou orlandodilasso.org . C’est en anglais, mais s’y trouvent tous les liens nécessaires – même pour ceux qui souhaitent en écouter.

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Marie-Thérèse

Trompette

Trompette

Marie-Thérèse est absente des répétitions du lundi depuis deux semaines. Son petit-fils, dix-huit ans, s’est suicidé il y a vingt jours. Trouvé pendu dans sa chambre. Sans un signe, sans un signal paraît-il.

La grand-maman, ne sait sans doute plus où donner de la voix, du cœur, de l’âme. Elle garde chez elle depuis bien des années, un enfant malade, un mari malade ; elle-même a bien du mal à se déplacer. Même se tenir debout lui est pénible. Les concerts lui semblent longs. Ses jours doivent présentement lui sembler interminables. C’est vrai que nos vies, quand un proche nous est ravi trop jeune, nous semblent longues et peut-être aussi fréquemment mal vécues.

Nous n’avons pas encore pensé à lui communiquer notre tendresse.

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